Citation

"Grâce à la liberté dans les communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées" - Friedrich Nietzsche (Fragments posthumes XIII-883)

30.9.17

2017 AOÛ/SEP -To beguile the time, look like the time*

chap. 57




L’ermite du tarot porte une lanterne qui n'éclaire que son chemin.

Quand on avance masqué, encore faut-il avancer bien masqué.
Nonobstant ce n'est pas toujours suffisant et la vie a plus d'un revirement dans son sac. Ésope raconte qu'un loup affamé rôdait autour d'un troupeau de moutons, en vain car le berger montait bonne garde. Un jour le loup trouva une peau de brebis, abandonnée par le berger au coin du pré : une aubaine. Il l'enfila, elle couvrit sa fourrure, il se mêla au troupeau. Et tous s'y trompèrent. Attendant la nuit pour se jeter sur un agneau, le loup déjà savourait sa proie. Or le berger voulut manger du mouton au souper. Dans l'obscurité il prit le loup pour une de ses bêtes et lui asséna un grand coup de gourdin. 
Où l'on voit que l'ingénieuse idée du loup lui fut fatale, puisqu'il tomba dans ses propres rets.



Conseils d'écriture d'Alexandre Dumas
 
Août

05 – Caitlin Moran publie dans The Times "it's the golden age of paranoia", où deux faits avérés (la mort accidentelle de Diana Spencer et le "nine eleven") en côtoient un qui est purement spéculatif, l'enlèvement de MMC. Si le commissionnaire-adjoint Mark Rowley n'employait pas lui-même un mot qualifiant ("enlèvement"), la presse probablement s'en tiendrait au constat ("disparition").


06 –  Les chercheurs britanniques en sciences forensiques lancent un appel pour la création d'une body farm, ou taphonomy facility (la taphonomie est l'étude des processus de transformation qui affectent un organisme post-mortem). Jusqu'à présent on a, à des fins d'analyse, eu recours aux cadavres de cochons. L'argument pour utiliser des restes humains est une forte économie en ressources policières (énergie et temps). Il y a six fermes de ce type aux EUA et deux en construction. L'Australie en possède déjà une et les Pays-Bas devraient ouvrir la leur cette année. 



Pat Brown publie  Ten Missing and Murdered Children's Cases That Have Nothing to Do With Madeleine McCann (Kindle), un court opuscule dont le titre recherche évidemment l'effet d'annonce. Il reste que si l'idée de départ est intéressante, elle n'est guère exploitée, on demeure à  la surface des choses. 

Blacksmith Bureau - Does Lightning really strike twice ?

08 –Peter Hyatt analyse un court passage de l'interview de Jane Hill (BBC, 25.05.2007), celui où JH met Kate MC dans l'embarras en lui demandant, non pas si elle a cherché sa fille (elle connaît la réponse), mais pourquoi elle ne l'a pas fait : Why Didn't You Search ? PH avait déjà, en 2011, analysé l'interview entière.

09 –   Chronique de Pat Brown - Media, Money and the McCanns and why Other Children Matter.
 
Natasha Donn signe dans Portugal Resident, destiné aux expatriés britanniques (forts sceptiques en général sur l'affaire MC), un article évoquant The Sun qui, l'échéance de septembre approchant, s'inquiète, pour le compte des MC, du sort réservé à OG. Le HO lui consentira-t-il une nouvelle dotation ? On se demande, l'article du Sun étant assez creux, pourquoi l'écrire et de surcroît pourquoi autoriser les commentaires (dans leur grande majorité acerbes)  ?
C'est comme si Operation Grange chevauchait un tigre sans savoir comment mettre pied à terre sans être danger. Le tigre de l'idée fixe, des préjugés, du parti pris. La fuite en avant est-elle une solution ? 
Qui tient un tigre par la queue a peur de lâcher prise. À moins d'un gaucho habile au lasso pour calmer l'animal hors de lui... 

 
En avril dernier, quand on lui demanda si les MC avaient été ré-interrogés par SY, le commissaire-adjoint Mark Rowley se réfugia très imprudemment dans une inexactitude frôlant la fausseté. Eût-il été inspiré par Kellyanne Conway, il aurait peut-être parlé de "fait alternatif", car il assume comme un fait établi la mise hors de cause des MC, alors que la Haute Cour portugaise avait peu de temps auparavant rappelé qu'il n'en était rien et surtout que, faute de collaboration des intéressés si désireux de voir reconnue leur innocence, le procureur n'avait pu mettre en oeuvre une opération qui aurait été pour ces derniers l'occasion de prouver qu'ils n'étaient pour rien dans la disparition de leur fille.

Pour mémoire, c'est l'avocate portugaise des MC, Isabel Duarte, qui a avancé l'argument de l'innocence, censée avoir été sanctionnée par l'ordonnance de classement de juillet 2008. Cette erreur, grossière car le procureur de la république n'a pas le pouvoir d'innocenter un suspect (même pas accusé), a été corrigée par les magistrats du STJ dont juger est la prérogative. Voici ce qu'ils ont dit : 
Ainsi il ne semble pas acceptable de considérer que l'ordonnance de classement, motivée par une insuffisance de preuve, puisse être tenue pour une preuve d'innocence.

Les magistrats ont par ailleurs pointé que l'ordonnance de classement elle-même émettait de sérieuses réserves sur la plausibilité de l'allégation d'enlèvement, seule hypothèse qui convienne aux MC, puisque aucune autre ne les affranchit de leur responsabilité. Autrement dit, au moment du classement de l'affaire, le crime d'enlèvement ne constituait pas un fait.
Mais ce n'est pas tout, comme on dit dans les histoires à suspense. L'enquête a cherché à dissiper les doutes à travers une reconstitution des événements dont l'ordonnance observe qu'ils exigent à divers titres une clarification. Les zones d'ombre sont énumérées point par point. 
La mise en œuvre de cette initiative n'a pas été possible, les témoins (les TP9), une fois sollicitée leur participation, ne s'étant pas présentés.
Il n'est pas douteux que les doutes qui existaient au moment du classement ne se sont pas dissipés par enchantement lorsque OG a entamé la re-lecture des PJFiles
Pourtant  le cahier des charges stipulait qu'il s'agissait d'examiner l'affaire et de chercher à déterminer, comme si l'enlèvement avait eu lieu au Royaume-Uni, quels nouveaux moyens d'investigation supplémentaires employer qui pussent être utiles aux autorités portugaises pour progresser dans l'enquête.
Pourquoi MR, ne serait-ce que pour se dédouaner, n'a-t-il pas tout simplement fait référence au cahier des charges qui, en amont, mentionne l'enlèvement comme un fait ? Dans une telle perspective quel sens aurait en effet d'interroger, et de soupçonner, les parents d'une enfant, en cas d'enlèvement clairement non-parental?

Là où la responsabilité de SY est directement engagée et aucune parade possible, c'est en ce qui concerne la ligne de temps. Passe encore que le commissaire du Met ait accepté, sans examen préalable de la situation, la requête de Theresa May (alors ministre de l'intérieur, sous la coupe du PM, lui-même sous la pression médiatique de Rebekah Brooks) et s'y soit tenu à la lettre. Passe encore que, dans cette perspective, les enquêteurs de OG aient délibérément pris le parti de ne pas ré-interroger les parents et leurs compagnons de voyage. Mais quid de la ligne de temps que ceux-ci ont entrepris d'élaborer à trois reprises, comme en quête désespérée d'une cohérence introuvable ? Il n'est pas nécessaire d'être officier de police pour s'apercevoir que cette tentative est de mauvaise facture et inutilisable. SY avait même là une belle occasion de faire remarquer à la PJ qu'elle était passée à côté de ce qui est essentiel dans une enquête criminelle. Alors pourquoi les enquêteurs de OG ont-ils fermé les yeux et accepté comme vraie une ligne de temps que la PJ n'avait pas soumise ou osé soumettre à l'épreuve des faits ?

Comme on dirait "Dieu est mort"

De fil en aiguille on se demande donc par quelles voies impénétrables OG en est arrivé à reconnaître à l'enquête portugaise sinon le mérite, du moins la responsabilité de la clarification des soupçons à l'origine du statut de témoins assistés des MC. Cette élucidation, le STJ a tenu à le souligner, est un point crucial. Or la lumière n'a pas été faite là-dessus.
Si SY tranche, alors que deux procureurs de la république et trois magistrats du STJ font valoir que les éléments probants font défaut, se trouve-t-on face à un abus de pouvoir ou à un accommodement condescendant ?
La Direction nationale de la police judiciaire aurait sans doute son mot à dire, or ce mot-là ne serait pas politiquement correct. La politique de l'autruche est plus appropriée, du moins si l'on compte sur le temps qui passe pour installer pesamment, mais sûrement, l'indifférence. Même si l'on comprend que, les Portugais n'ayant probablement à gagner qu'amertume dans l'élucidation de l'affaire, leur seul enjeu raisonnable soit l'entente cordiale, on observe qu'ils font fi du principe stratégique de Végèce : Si vis pacem, para bellum ("si tu veux la paix, prépare la guerre").


Les traductions des deux arrêts du STJ étant parvenues à SY (accusé de réception), force est de conclure que dans le monde parallèle ou fantaisiste du commissaire-adjoint MR, représentant de la plus célèbre police de la planète, la vérité, ou plutôt la post-vérité, diffère passablement de la vérité judiciaire dont la plus haute instance juridictionnelle du Portugal est le garant. Non, ce n'est pas un canular, non MR ne cherchait ni à être facétieux, ni à faire entrer sa réplique dans le dictionnaire des idées reçues

Insolite, ahurissant ou déconcertant ?


Ce n'est pas la censure, mais la pensée critique, qui permettra de lutter contre la désinformation.

Last but not least, remarquer que DCI Nicola Wall, qui a remplacé Andy Redwood à la tête de OG, n'a jamais prononcé ne serait-ce qu'un mot sur l'affaire. N'est-ce pas hautement révélateur? La réserve de NC trahit-elle une certitude qu'il n'y a aucune gloire à tirer de cette affaire ?

15 – À titre de curiosité, le site officiel continue à s'abstenir de piper mot de Smithman et à afficher le signalement préféré des MC, Tannerman, bien que OG l'ait éliminé de la liste des suspects,  aux côtés des caricaturaux Spottyman et Teethyman, entre autres, démasqués il y a belle lurette par la PJ, ce qui suscite les interrogations suivantes :
- Pourquoi le site des MC cherche-t-il encore à identifier l'homme que OG a déjà identifié (un père de famille rentrant chez lui) ?
- Pourquoi le site des MC ignore-t-il encore l'homme (portant une enfant identique à MMC) que OG n'a pas réussi à identifier ?


17 – Les résultats d'une expérience menée par des chercheurs australiens où un "suspect" essaie d'enlever le sang d'une victime d'un vêtement en le lavant 5 fois indiquent que les chiens détecteurs de sang et de restes humains sont beaucoup plus fiables que les techniques de détection analytique courantes, mais constituent un complément à l'usage du luminol.

21 – Alors que, pour des raisons budgétaires, 4000 postes de PO pourraient être supprimés au Met, qui en compte 32 mille, Martin Brunt (Sky News) se demande si le Home Office va renouveler son financement, l'actuelle mission de OG expirant le mois prochainEt si oui quel en sera le montant ?

22 – Sondage ITV (5700 votes) : SY devrait demander plus d'argent pour continuer d'enquêter. Doit-on cesser ou non de financer la recherche de MMC ?  86% répondent "oui".




23 – Un porte-parole du HO fait savoir que le montant des dotations (allouées à OG) reflète la nature étendue et complexe de l'investigation que la police a jugé nécessaire d'entreprendre.
Pendant ce temps, les tabloïds se font un plaisir de décrire les MC comme victimes quotidiennement d'environ 150 perfides messages (tweets vraisemblablement, pas les commentaires sur FB), la plupart postés par des femmes, les blâmant d'avoir laissé seuls leurs enfants (il n'y a aucun commentaire négatif sur le site officiel des MC, ils sont éliminés immédiatement). Ce type d'admonestation définirait le trolling, une sorte de provocation émotionnelle permanente destinée à faire sortir les victimes de leurs gonds pour le plus grand amusement des trolls. À en juger par le titre du Sun (MCC's parents try to BAN "awful and upsetting" abuse from trolls who criticize them for leaving tot alone in apartement), les trolls suscitèrent bien la mortification qu'ils étaient censés guigner.


Mais pourquoi en parler maintenant, comme si le phénomène était récent alors qu'il a dix ans d'âge ? Il est vrai que le gouvernement se prépare à sévir contre les abus en ligne et le CPS (Crown Prosecution Service) est prêt à recourir aux grands moyens.
Par ailleurs il est très facile d'identifier les Facebookers puisqu'ils ne sont pas anonymes. Quiconque enfreint les règles risque un rapport et une exclusion. Mais est-ce enfreindre les règles que d'exprimer son opinion sur les arrangements nocturnes des MC vis-à-vis de leur progéniture ou sur l'enquête ? L'objectif de FB, à la différence d'un site web, est la communication bilatérale. Chaque Facebooker préférerait probablement que seuls s'affichent sur ses pages des commentaires positifs, mais est-ce réaliste ? Certes les MC aimeraient faire taire quiconque met en doute qu'ils se soient comportés comme des parents responsables ou qu'ils soient d'innocentes victimes, mais ils ne peuvent réfuter que les opinions d'autrui ont autant droit de cité que les leurs. Qualifier autrui de "troll" n'est certainement pas le moyen d'obtenir le silence qu'ils désirent tant.


Il vaut mieux que vos questions restent sans réponse plutôt qu'obtenir des réponses inquestionnables.
Les MC ont un site pour faire de la publicité, ce n'est pas la vocation de FB. Si la publicité est l'unique objectif, pourquoi permettre des commentaires ? 
Cela dit, les MC ont beau mettre en garde leurs jumeaux contre les mensonges d'Internet, ils ont dû admettre que ces derniers étaient tout à fait seuls dans un appartement dont de surcroît la porte était entrouverte. Ce qu'ils ne supportent pas, c'est donc qu'on leur rappelle la vérité.
Quant aux médias (comme les policiers), ils ont régulièrement associé aux MC les termes "intelligent", "articulé", "éduqué" et "professionnel". Sauf lorsqu'il était question des enfants. Alors les MC devenaient "naïfs", "facilement dupés", "confiants". Mais pas d'inquiétude : d'autres, dotés de qualifications similaires, avaient tous commis avant eux l'acte qui leur était reproché ! 
L'indignation morale manifestée, pour le compte des MC, par les commentateurs, proches et militants de la cause de l'enlèvement n'est pas l'aspect le moins étonnant de cette affaire.  
Faut-il être australien pour oser émettre la moindre critique du côté des MC ?

24 – Nick Ferrari (LBC radio) demande à la journaliste Sarah Poulton et à une mère de famille ce qu'elles pensent du fait que les MC ont décidé de censurer toute critique sur le fait d'avoir laissé seuls leurs enfants. 
SP remarque que l'intérêt pour l'affaire MC provient de la grande quantité d'anomalies associées et défend le droit d'exprimer son opinion. 


 
Plus nombreux les articles sur l'échéance de OG, plus grande la distance, celle de l'oubli, entre l'arrêt de la Haute cour portugaise et les propos "frivoles" du commissaire-adjoint Mark Rowley. Déclarer qu'ils ont encore du boulot à faire est la seule manière pour le Yard d'échapper aux questions sur l'enquête biaisée de OG. C'est ce qu'on appelle la "fuite en avant", le refus d'affronter les problèmes et l'esquive, même si cela signifie se jeter dans le danger redouté, en s'aveuglant sur les conséquences.

– The truth about lies - Dr Cecile Van Golde. Transcription et traduction ici.



31 – On parle du "Maddie Kidnapping" comme d'un style. Le Daily Star titre New Maddie Kidnap Fear as Girl Vanishes, à propos de la disparition de Maëlys de Arujo (9) dans la nuit du 26 au 27 août en France. Pourtant les parents de la petite fille ne sont pas apparus dans les médias... 





Septembre

Il y a dix ans à Portimão, la sagesse de Jefe aurait-elle seulement pu ébranler le cours des choses? 
Et en mai 2011 à Londres,  Victoria Embankment, Westminster ?

 



Ridley Scott - The Counselor (2013)
Décision trop vite prise, spirale infernale, conséquences imprévisibles.
Je vous exhorte à voir la vérité de la situation dans laquelle vous vous trouvez, conseiller. Ce n'est pas à moi de vous dire ce que vous auriez dû faire ou ne pas faire. Le monde dans lequel vous cherchez à annuler les erreurs que vous avez commises est différent du monde où ces erreurs ont été commises. Vous êtes maintenant au croisement. Et vous voulez choisir ? Mais il n'y a pas de choix. Il n'y a que l'acceptation. Le choix a été fait il y a longtemps...


07 – Pulse Films annonce un documentaire en huit épisodes qui "investigue" l'affaire MC pour stimuler le secteur indépendant de la vidéo à la demande (SVoD). Compte tenu de l'absence d'éléments officiels nouveaux, ils auront du mal à dire autre chose que ce qui a été rabâché ad nauseum. L'enquête en cours est un sacré bouclier aussi. Serait-ce sa fonction réelle ?

10 ans après la constitution des MC comme témoins assistés, Le Met demande au HO des fonds supplémentaires (on ignore le montant) pour continuer l'investigation sur la disparition (entendre l'"enlèvement", s'agissant de SY) de MMC.  Il est normal que OG ne soit pas rémunéré sur le budget du Met, puisque l'affaire MC est sous juridiction portugaise. Officiellement OG assiste les Portugais dans leur investigation de la disparition de MMC. Mais les Britanniques ont-ils partagé ou partageront-ils les informations recueillies avec les Portugais ?

BBC News publie un article de la Prof Sarah Gabbott :  Does the UK need a human "body farm" ?   La réponse est sans hésitation oui.

Blacksmith Bureau - Culture Corner

09 – Le combat des MC change de cible, c'est maintenant la justice portugaise qu'ils veulent mettre sur la sellette.  The Sun fait savoir que les MC ont déposé une requête contre le Portugal auprès de la CEDH (noter prudemment que l'on n'a que la parole de Clarence Mitchell, démi de ses fonctions de spin doctor mais prêt à surgir si nécessaire). Alors qu'à ce stade de la procédure (l'examen du dossier est gratuit), le recours à un avocat n'est pas nécessaire, le dépôt aurait été effectué en juillet dernier par l'équipe d'avocats portugais que dirige Isabel Duarte, selon le tabloïd qui semble ignorer que la CEDH ne se mêle pas des disputes entre individus, son rôle se limitant à vérifier que les droits de l'homme sont respectés par les États. Compte tenu de leurs nombreuses références à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, les magistrats de la Haute cour de justice doivent avoir pris soin de ne pas risquer d'être pris en défaut.
La juge de première instance avait accordé aux MC l'importante compensation financière qu'ils demandaient, considérant que la liberté d'expression de GA était restreinte en raison de sa situation de policier à la retraite. La cour d'appel et la cour suprême ont rejeté cet argument et ceux des avocats de l'accusation. 
La charge de la preuve appartenait aux demandeurs, ils ont échoué à faire valoir leur requête. Pour enfreindre l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale),  encore faut-il que les allégations factuelles soient suffisamment graves et que leur publication ait des répercussions directes sur la vie privée de la personne concernée. Les préjudices causés par la publication à la réputation d’une personne doivent constituer une atteinte à sa vie privée d’une gravité telle que l'intégrité personnelle de la personne s'en trouve compromise. Rien de cela n'a été démontré par les MC qui, par ailleurs, n'étaient pas censés ignorer que leur innocence n'avait pas été établie par une ordonnance de classement qui, en pays démocratique, est accessible au public.


Les MC ne se seraient pas acquittés des frais de justice auxquels ils ont été condamnés (plus de six mois après le dernier arrêt). Sur cette question, voir Comment introduire une requête et quel en sera le cheminement,


Il est plus que tentant d'interpréter le timing de l'annonce à la lumière de la demande de fonds supplémentaires pour OG. Les tabloïds ne comprennent pas (ou font semblant, afin de plaire à leurs lecteurs ?) que le recours à lla CEDH, s'il est accepté, ne changera pas un iota à l'arrêt du STJ.
Pour mémoire (voir le document de base sur le fonctionnement de la CEDH) :

La CEDH doit avant tout examiner la recevabilité d'une requête qui ne figure pas sur le site de la CEDH puisque cette étape n'a pas été franchie:

Il existe sur le site de la CEDH de nombreuses mises en garde et conseils sur la manière de rédiger une requête. Notamment :

La Cour doit pouvoir comprendre, à la seule lecture du formulaire de requête, quels sont les principaux faits de l’affaire, quels droits ont été violés et comment, et quels recours ont été exercés et à quelles dates. (...)
Un requérant doit exposer ce dont il se plaint pour l’essentiel. La Cour ne peut déduire des faits ou des documents des juridictions internes ce qu’un requérant considère comme étant contraire à ses droits. Un requérant doit tenter d’identifier les articles de la Convention qui couvrent ses griefs. (...) Il est crucial d’indiquer à la fois l’article de la Convention et en quelques courtes phrases la façon dont il a été violé – la Cour ne peut deviner ce qu’un requérant conteste ou formuler les griefs pour lui.
 – Les MC ont souvent dit que la seule chose qui leur importait était la recherche de leur fille. Quand le tribunal de première instance a fait droit à leur demande de compensation financière, les MC ont déclaré que leur action contre GA n'était pas pour l'argent, mais visait l'effet des libelles sur leurs autres enfants et les dommages causés à la recherche de Madeleine. Or, comme rien n'indiquait que le livre de GA avait nui à l'enquête, les trois enfants MC (dont la principale intéressée) ont été déboutés. Les MC eussent-ils fait appel au nom de leurs enfants, ils auraient fait appel contre le jugement en entier, mais ils pourraient aujourd'hui se dresser contre l'État portugais pour un motif plus digne, quoique difficile à étayer, les dommages causés à la recherche de MMC.
Deux ans plus tard, les MC n'ont rien gagné ou plutôt ils ont perdu, financièrement (Madeleine's Fund en tout cas) et réputationnellement. Ils ont probablement payé les frais de la procédure en référé pour interdire la vente du livre et des actions qui ont suivi. Mais ont-ils payé les frais de la partie adverse et un pourcentage des honoraires de ses avocats, pour ne rien dire des intérêts du patrimoine de GA gelé par leurs soins ?
Le recours contre l'État portugais auprès de la CEDH ne vise clairement ni à obtenir de l'argent ni à faire progresser la recherche de Madeleine ni à atténuer l'effet des libelles sur les enfants, il concerne seulement la réputation des MC. Mais quel droit de l'homme l'État portugais leur a-t-il dénié ? Car si la CEDH accepte le dossier, elle se prononcera sur la violation ou non des droits de l'homme des MC par le Portugal, sa compétence s’étendant à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles additionnels. Comme les cours de justice devant lesquelles l'assignation contre GA et al a été portée n'ont pas exprimé d'opinion sur la culpabilité ou l'innocence des MC, la démarche des MC semble manquer de pertinence.  
Il faut avoir à l'esprit que, dans l'affaire en question, le problème n'est pas la responsabilité pénale des appelants, en d'autres termes la question de leur innocence ou de leur culpabilité en ce qui concerne les faits qui ont mené à la disparition de leur fille n'a pas à être appréciée ici.
Ce qu'a mis en cause l'arrêt du STJ c'est la légitimité de l'innocence auto-proclamée des MC, imprudemment brandie par leur avocate portugaise, Isabel Duarte. Les juges n'ont pas dénié aux MC le droit à la présomption d'innocence, ils leur ont dénié le droit d'utiliser l'ordonnance de classement comme preuve de leur innocence.  L'ordonnance de classement constate l'absence d'élément incriminant les parents. Faut-il ajouter que ce n'est pas la même chose qu'une preuve de leur non-implication ?  D'autant que, après cette constatation, l'ordonnance regrette que, faute de collaboration des intéressés, les MC aient vu s'envoler toute chance d'être mis hors de cause.
ID critique le changement, par le STJ dans son arrêt, de la référence de l'ordonnance de classement : 277/2 au lieu 277/1 du CPP). 

On voit qu'il existe deux modalités de classement d'une enquête par le MP.
1) Le MP procède par arrêt au classement de l'enquête dès qu'il a recueilli assez de preuves indiquant qu'il n'y a pas confirmation de crime, que le témoin assisté n'en a pas pratiqué à quelque titre que ce soit ou si la procédure n'est pas légalement admissible.
2) L'enquête est également archivée s'il n'a pas été possible, pour le MP, d'obtenir des indices suffisants pour confirmer le crime ou les auteurs du crime.
Eu égard au contexte de l'ordonnance, il s'agit donc manifestement d'une coquille. Par ailleurs une affaire classée sous le chef 277/1 ne peut être rouverte. Or les procureurs ont pris soin de déclarer à plusieurs reprises que l'affaire pouvait l'être.
La seule personne ayant prétendu que l'ordonnance de classement avait établi l'innocence des MC est... l'avocate (portugaise) des MC. Les juges l'ont clairement indiqué, il est possible que les MC soient innocents, mais l'ordonnance de classement ne peut être utilisée  pour le prouver. Il semble difficile de rendre le STJ responsable du fiasco. Les responsables sont ceux qui ont essayé de "prouver" qu'ils étaient innocents parce que c'était la seule manière de se présenter comme victimes de diffamation.

Si l'appel est jugé recevable, les juges de la CEDH devront trancher : le Portugal a-t-il violé quelque droit des MC à l'abri de la Convention sur le droits de l'homme ? Si oui, quel droit ?  Lors des diverses actions en justice MC vs GA et al, ont été évoqués l'article 10 et l'article 6-2 de la Convention. Le premier concerne le droit d'exprimer son opinion à condition de respecter certaines restrictions. Les différents juges portugais ont déclaré que GA n'avait transgressé aucune de ces restrictions. Le second article concerne une présomption qui s'applique aux actions criminelles, non aux actions civiles. Les juges ont souligné ce point et se sont référés à des affaires à propos desquelles la CEDH avait fait la même remarque.
D'après les statistiques, sur  36237  requêtes prises en considération en 2017, seulement 1192 ont fait l'objet d'un arrêt et 35045, donc la très grande majorité, d'une décision d'irrecevabilité ou de radiation.


 


Les ordonnances de rejet sont sans appel (un juge unique statue) et sont notifiées par une simple lettre-type sans aucune explication circonstanciée sur les raisons du refus.
Le budget annuel de la CEDH est d'environ 70 millions d'euros. 

Pour finir, que peuvent espérer et que risquent les MC (si un recours a effectivement été déposé) ? Si la CEDH considérait que le Portugal a enfreint les droits de l'homme des MC, ceux-ci réussiraient beaucoup plus que s'ils avaient battu Gonçalo Amaral, car non seulement ce dernier, mais le Portugal tout entier, serait discrédité. En revanche, si leur hypothétique recours était rejeté, personne n'en saurait rien. S'il était accepté mais que l'État portugais avait gain de cause, toutes sortes d'arguments comme le lost in translation pourraient être invoqués pour sauver la face. Fondamentalement tout le monde oublierait. Qui se souvient de Morris & Steel vs UK à propos de McDonald's ? C'est pourtant le plus long procès de l'histoire britannique ! Il a pris fin au bout de plus de dix ans, le 15 février 2005, la CEDH ayant donné raison à David Morris et Helen Steel, deux militants écologistes. À l'origine le London Greenpeace, un petit groupe qui lance un réquisitoire contre la toute puissante McDonald's : Everything they don’t want you to know. Après avoir épuisé tous les recours, non sans faire perdre pas mal de plumes à McDonald's, Morris & Steel ont entendu la CEDH déclarer que les conditions dans lesquelles avaient eu lieu le procès original étaient en contradiction avec les articles 6 § 1 (droit à un procès équitable, car la demande d'aide légale des appelants avait été rejetée) et 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour européenne, qui a enjoint le gouvernement britannique de dédommager Morris & Steel, a critiqué la loi anglaise et son manque de protection du droit du public à critiquer les sociétés privées, dont les activités peuvent avoir des conséquences sur la santé publique et sur l’environnement.
 
12 Bell Pottinger, la plus grande société britannique de relations publiques, gestion de réputation, lobbying et marketing pour grosses entreprises, gouvernements et riches particuliers  est mise faillite à la suite d'un scandale causé par certaines de ses activités en Afrique du Sud. C'est à cette société, décrite comme ayant "la liste de clients la plus controversée" et critiquée pour conflits d’intérêts et fake news que l'opérateur Mark avait immédiatement fait appel, le 4 mai 2007. Selon Owen Jones, Lord Bell se vanta d'avoir reçu 500 mille livres (provenant probablement de Madeleine's Fund) pour maintenir l'affaire MC à la une des journaux pendant un an. Cette info n'a pas été démentie, ce qui plaide en faveur de son authenticité. Mais naturellement ce qu'a déclaré Lord Bell n'engage que sa parole.



15 – Les Britanniques possèdent à présent deux chiens renifleurs pour les aider à traquer pédophiles, terroristes et fraudeurs. Ces chiens, un labrador et un épagneul Springer, ont été dressés à détecter la présence de données numériques de clefs USB, cartes SD et disques durs, cachées.


20 –  L'offre faite par le Met de 20 mille livres pour toute information menant à l'identification, l'arrestation et le jugement de la ou des personne(s) responsables de l'enlèvement de Madeleine MC... a disparu des sites du Met et de Crimestoppers.

22 –  Le Mexique a été médiatiquement tenu en haleine par un espoir qui n'avait pas lieu d'être. : Frida Sofia, 12 ans, était vivante sous les décombres de son école, après le séisme de magnitude 7,1 qui a secoué Mexico et les environs, le 19 septembre. Les secouristes alimentaient la fillette grâce à des tubes de plastique, mais... les autorités ont dû démentir. Aucun membre de la famille ne s'était manifesté, aucun membre du corps enseignant ne connaissait d'enfant de ce nom, un nom qui du reste ne figurait pas sur les listes d'élèves. La fillette n'existait tout simplement pas. La presse étrangère avait repris l'histoire, mais c'est l'opinion publique mexicaine, surtout, qui est en colère. On pardonne moins facilement la tromperie dans le registre émotionnel que dans le registre transactionnel.

24 – La BBC, qui produit, diffuse "The child in time" d'après le roman de  Ian McEwan. Une petite fille (3 ans) se volatilise un jour dans un supermarché alors que son père règle ses courses. Le monde devient en quelques secondes un abîme d'égarement et de douleur, les bruits s'assourdissent et les hallucinations commencent. 
Ni enquête policière, ni alerte enlèvement, ni médias intrusifs, ni gang de pédophiles, les protagonistes sont plongés dans l'effroyable deuil, comment continuer à vivre ?



25 –  Les tabloïds s'émeuvent à l'approche de la date fatidique où le HO fera savoir s'il continue à financer Operation Grange ou s'il jette l'éponge. En réalité les Britanniques n'archivent jamais d'affaire non élucidée, ces dossiers entrent en hibernation et sont revisités périodiquement. Pendant ce temps la propagande s'efforce de faire du neuf avec du vieux (et périmé).

Intéressant montage (qui dit son nom, l'honnêteté est sauve) sur les signes qui devraient alerter ceux qui sont trop confiants ou ont horreur de suspecter qu'on leur ment. Des morceaux d'interview des MC ont été intercalés dans une conférence de Pamela Meyer dont ils illustrent puissamment le propos.
Il faut quand même souligner que Pamela Meyer n'a jamais publiquement suggéré que les MC mentaient, l'auteur du montage se contente de proposer une interprétation pour des demi-sourires fugitifs, notamment, qui n'ont pu manquer d'étonner ceux qui ont vu les interviews. 






28 – Le Home Office fait savoir que 154 mille livres ont été attribuées au Met pour continuer à chercher MMC. Est-ce une réponse à l'anxiété des parents? Toute compréhensible qu'elle puisse être, elle ne saurait être une raison de continuer. Après tout si leur fille a de grandes chances d'être vivante puisque rien ne dit qu'elle a souffert, comme ils le proclament, elle devrait tôt ou tard réapparaître spontanément. On attend du Met qu'il pondère les chances de succès et le coût faramineux de Operation Grange qui justifie sa demande de fonds par l'existence de pistes prometteuses, bien que le commissaire-adjoint Mark Rowley ait parlé, il y a quelques mois, d'une seule "dernière" piste. Les nouveaux fonds financeront jusqu'à fin Mars 2018  les recherches d'une équipe réduite à 4 enquêteurs depuis 2015.

 
À titre d'information, le VPF (Value of a Preventable Fatality, la dépense jugée juste pour prévenir une seule mort, ce n'est pas la valeur attribuée à une vie) au Royaume-Uni s'élève officiellement à 1,83 million de livres.  

Ce qui est sûr, c'est que les questions qui ont surgi à la suite de l'arrêt du STJ et se sont heurtées à un mur de faux-fuyants ne vont pas disparaître. Le cahier des charges annonçait une re-lecture investigative menée dans la transparence, l'ouverture et la méticulosité. Or nous n'avons jusqu'à présent vu qu'obscurité, secret et absence de minutie. 
Feignez le désordre, ne manquez jamais d’offrir un appât à l’ennemi pour le leurrer, simulez l’infériorité pour encourager son arrogance, sachez attiser son courroux pour mieux le plonger dans la confusion : sa convoitise le lancera sur vous pour s’y briser.
Sun Tzu (L'Art de la guerre)
Comment au juste le Met est-il parvenu à la conclusion que les TP9 n'étaient pas impliqués ? Comment au juste a-t-il écarté la théorie dite "réveil, sortie, fatalité" ?

On dirait que OG a une théorie qui ne tient pas la route pour les Portugais, que les Britanniques espèrent que la PJ trouvera des éléments de preuve confirmant leur théorie. Vœu pieux ?  
Les tabloïds aiment à souligner que, de leur côté, le Ministère public et la PJ sont actifs, presque sur le qui-vive, absolument comme si l'arrêté de la Cour suprême de justice leur était entré par une oreille pour ressortir immédiatement par l'autre. 

29 – Comme en écho à une décision qui, pour avoir tardé, n'en était pas moins attendue, car il en va ainsi des fuites en avant,  Elizabeth Yardley, qui dirige le Centre de criminologie appliquée à la Birmingham City University,  publie The Tip of an Iceberg - MMC and the shameful realities of missing children, sur les disparitions qui ont plus de valeur que d'autres. Malheureusement EY ne connaît des faits que ce qu'en a dit la presse tabloïd et ne s'est pas donné la peine d'un regard critique.


Les fous de vérité




*W. Shakespeare - Macbeth - Acte V-1  :  Pour leurrer l'époque, ressemble à l'époque, tel est le précepte que Lady Macbeth exhorte son époux à suivre.